La nuit a lentement posé sur toi sa peau de chagrin,
Ce soir, tu es très calme, pas de mauvais grain.
La lune porte le deuil derrière les nuages menaçants,
De tes flots plaintifs, j'entends les gémissements
Et ceux des veuves des marins qu'ils ont pu trahir.
Au loin, une multitude de gerbes du souvenir
Déposées religieusement par des cœurs en loque
Irrémédiablement sur l'onde, déjà, se disloquent.
Dis ! De combien de marins as-tu éteint la flamme
Englouti leurs corps de travailleurs, et avec leurs âmes ?
Où ? Dans ton ventre violé par leurs tramails et leurs filets ?
Qu'as tu fait de leurs dépouilles tant espérées
Sur tes rivages désolés, par l'angoisse, ravagés ?
Entends-tu les prières, par les larmes étouffées,
Sous les voiles des veuves restées inconsolables
Dans les yeux des orphelins aux destins immuables ?
Crois-tu que les hommes abandonneront docilement
Leurs quêtes sans aller au-delà de leurs déchirements ?
Hélas, d’eux, tu n'as pas à craindre la moindre pénurie,
Les hommes, depuis la nuit des temps, craignent la mort
Mais veulent toujours prouver qu’ils sont les plus forts.
Ils sont ainsi faits, qu’au péril de leur vie,
Sans trêve, ils reviennent à l'assaut de l’impondérable
Quitte à y perdre de père en fils leurs âmes indomptables.
Ce soir, la nuit a posé son voile de veuve...
De tes flots, j'entends les gémissements.
à nous courageux pêcheurs
Texte et photo Christian Bailly
Tous droits réservés
10/10/2024
Sète
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